Au cœur d’une maison de soin psychiatrique à Bruxelles, une troupe de résident·e·s se retrouve pour des ateliers de théâtre. Les rendez-vous s’égrènent comme les habitudes. Ici, les regards peuvent se perdre dans le bruissement des feuilles, on y fume, on y boit du café, souvent trop. On entend des voix aussi qui nous empêchent… Ici, l’oscillation d’un cil peut nous faire vaciller en un instant.
Au cœur de la Cerisaie de Tchekhov, la maison de l’enfance et du paradis perdu tient encore debout. Lioubov et Gaev se refusent à vendre leur propriété et rejettent l’ordre en marche qui écrase leurs souvenirs et leurs espoirs. Ici, les larmes coulent, les rires éclatent, on fume et on boit, souvent trop. Ici, les idées sombres s’échouent au son d’un orchestre mité.
De la maison de Tchekhov à la maison de soin, il y a la scène du théâtre où vont habiter ces êtres errants, parfois en crise, qui se débattent avec vitalité pour survivre. La Cerisaie d’après nous est une balade théâtrale et musicale, faite de corps et de gueules, où une troupe amateure nous ouvre les portes d’un monde fait de ses propres normes, ses propres codes, son propre rythme.
Le philosophe Laurent de Sutter (dandy ès-booze) et Sara Selma Dolorès (shaken not stirred) s’adonnent aux joies de la mixologie pour dire leur amour du cocktail. Parce que depuis la nuit des temps, l’humanité mélange des boissons alcoolisées pour les rendre davantage buvables.
Remède permettant aux marins d’avaler leur ration quotidienne de citron afin de lutter contre le scorbut ? Tentative de rendre plus intéressants les breuvages que les pouvoirs coloniaux s’administraient pour éviter les effets des moustiques ? Simple moyen d’éviter de regarder en face sa vie misérable, entre champs, industrie et servage ? Quoi qu’il en soit, le cocktail est au départ, un mode de survie – un mode d’accroître la résistance aux forces hostiles. Que cette résistance pût devenir politique est ce qui a aussitôt inquiété les autorités de toutes sortes, qui n’ont eu de cesse de réglementer la consommation d’alcool, tout en prélevant leur dîme sur leur vente. Car l’alcool, avant tout ingéré par les masses laborieuses, rend imprévisible.
Dire les marges aux rythmes du slam et des beats électroniques, en extraire la beauté, le vacarme et les rages qui y suintent. « Caillasses Live » est un récital poétique, électrique et saphique tiré du livre éponyme. Un femmage politique qui fait grincer les dents parfois, fait vibrer les corps aussi et réchauffe les cœurs assurément.
Avec son premier recueil de poésie « Caillasses », édité chez l’Arbre de Diane, Joëlle Sambi tisse une étoffe. Elle assure la protection des vivants et le passage des mots. Une plume affilée, aussi profonde et pleine que la forêt équatoriale. Tel un manifeste poético-politique, elle y déploie les cicatrices d’un corps-âme mâtiné de violences raciales, sexistes et homophobes. Sa langue se pare de mille éclairs afin de partager les raisins mûrs de la colère. C’est tout cela qu’elle porte sur scène, à la rencontre de l’univers musical de Sara Machine.
Un ring blanc, sans pitié, qui se teinte de couleurs pastel.
D’un côté, quatre jeunes qui comme les autres, écoutent du rap, dansent ensemble, font du sport, regardent Netflix, tombent amoureux. De l’autre, la peur, la haine, la précarité, la recherche de sens et le besoin d’appartenir à une communauté. Des sentiments récupérés par les partis d’extrême-droite et qui influencent le regard des quatre jeunes sur le monde.
Deux comédiennes et deux comédiens emmènent le public dans un voyage troublant à travers la Belgique, l’Italie, la Grèce et la France. À partir de fragments de paroles et de corps, ils composent une fresque entre théâtre et performance pour faire ressentir les moteurs de la propagation d’un discours de plus en plus séduisant et alarmant.